Il est vrai que la Maison du parfum N°5 et du tailleur en tweed orné d’un sac 2,55 avait vu avec les frères Wertheimer le pire dans les années 40, et ayant survécu à de multiples guerres mondiales, au krach boursier de 1988 suivi d’une Grande Récession et à bien d’autres événements qui ont changé leur vie, les frères des champs de course diront : « le pire n’est jamais sûr », mais ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort ».
Riche d’une histoire de 160 ans, l’héritage de Louis Vuitton veut cultiver un esprit d’avant-garde avec Prada et, pour cela, ils ont pris un Seigneur, cela n’est-il pas une gageure en transformant l’image que nous avions du luxe d’autrefois. Ainsi, le Seigneur impose une marque d’une puissance inégalée jusqu’à aujourd’hui de plusieurs milliards de dollars, employant des centaines de milliers de cerfs à travers le monde, et tout cela en seulement 30 ans. Il viendra voir Jacques Mouclier souhaitant son expertise avant de vouloir monter un groupe de luxe ; il faut l’avouer une performance d’avoir été si visionnaire.
Avec Richemont, les groupes de luxe et l’industrie de celle-ci se sont transformés en un oligopole virtuel, et il n’y rien à dire de plus. Mais ce secteur du Luxe va-t-il s’en sortir ? Attendez-vous à ce qu’il change à la vitesse de l’éclair, car « business is business and time is money ».
2008 et 2009 fut le pire ralentissement économique de l’histoire des États-Unis depuis la Grande Dépression de 1930, le marché du luxe avait été touché de manière disproportionnée. Cependant, après ce ralentissement, l’industrie avait rebondi avec une vivacité que l’on aurait jamais pu prévoir. Plus d’une décennie après que la Grande Récession ait ravagé l’économie mondiale, l’industrie du luxe est maintenant confrontée à une menace encore plus grande : une pandémie qui a interrompu presque tous les échanges commerciaux dans une grande partie du monde.
Alors que la hausse des prix a contribué à augmenter les marges, le sac Hermès Kelly qui était de 4 800 dollars en 2008 passa à 7 600 $ en 2013. Le marché chinois est devenu pour la plupart des marques le plus important et le plus grand marché du monde, responsable du plus de la moitié de la croissance mondiale du luxe entre 2012 et 2018 pour représenter 40 % d’ici 2025, d’après les analystes. Donc quand le marché du luxe à la française, les marques de l’hexagone bénéficieront en premier de cette reprise et elles pourront ainsi avant tous les autres reprendre leur expansion : « l’argent appelle toujours l’argent. »
La pandémie de coronavirus ne fera qu’accélérer des changements de fond. Par exemple, il ne sera jamais aussi important de courtiser la classe moyenne des consommateurs chinois dont le niveau de vie est en pleine croissance. L’accent sera mis sur la prospection du marché local. On observe déjà un mouvement dans ce sens, avec l’harmonisation des prix des marques comme Chanel ayant rendu les voyageurs-acheteurs compulsifs, moins mobiles pour qu’ils puissent acheter dans leur pays.
L’auto-isolement va renforcer un autre changement de comportement qui devrait se poursuivre une fois que la poussière Virus-active sera retombée : « Le numérique va connaître une accélération », car plus le consommateur se sent désormais plus à l’aise pour faire ses achats à prix élevés en ligne, et évitera de se rendre dans des lieux publics bondés de malades potentiels.
La surabondance de stocks obligera les marques à être plus prudentes quant à leur production d’automne et de printemps. Les consommateurs du luxe sont également susceptibles, au moins pour le moment, d’adopter le postula « moins de choses, mieux » que les écologistes préconisent depuis dix ans. Cela pourrait stimuler une activité accrue dans les canaux de l’occasion et de la location une fois que la crainte autour de la contagion du virus se sera dissipée. Cela signifie également que de nombreux consommateurs rechercheront des articles dits « d’investissement » ; articles minimalistes, de dernière génération, pour se sentir plus responsable étant donné l’état du monde.
Mais, les consommateurs de certaines zones géographiques et de certains segments de marché libéreront leurs désirs refoulés une fois que l’on verra la lumière au bout du tunnel. Au lieu de faire preuve de retenue, certaines catégories de la population très riches pourraient choisir de dépenser comme des fous pour des choses décadentes, amusantes, scandaleuses et exubérantes… D’ailleurs une boutique Hermès en Chine a gagné 2,7 millions de dollars en un jour après sa réouverture hier attestant cette tendance. Quel que soit le scénario, attendez-vous à une augmentation des expériences d’achat démesuré en ligne et hors ligne, car après le confinement les consommateurs voudront se lâcher, et cela sera bien normal.
Anonymode