J’avais pris mon talisman pour le show d’Eymeric Francois en prévision du sortilège qu’on allait nous jeter, une amulette qui est dotée de vertu magique et qui sert à éclairer le statut particulier du journaliste en recherche de sensation poétique. Le sort peut donc en être jeté, Eymeric nous lance son sortilège en l’église américaine de Paris, et pour conjurer son sort de couture, je dissous ce texte dans une encre magique, pour ne pas être prisonnier de ma Raison ! Et, à l’heure de cette présentation, où mes jours ont été un rêve, et mes rêves sont restés un jour, une voix douce venant du bord de l’aile de l’Archange St-Michel, avec l’aide du créateur nous donne à boire une eau de mémoire puisée dans les ravines de la beauté comme une poésie qui sent les amandiers en fleurs, mais aussi la nuit fraîche des planètes inconnues.
Sa recherche éperdue de la beauté semble innée et il fait sienne cette phrase de Valéry : « L’amour a la puissance du chant, si vous ne le savez pas, allez le demander au rossignol ». Le couturier propose un contre-modèle de la mode, qui ouvre à la modernité, qui préfigure la profession pour demain. Des chemisiers de dentelle de Calais sur pantalon noir tissé de soie, des grandes robes de bal de brocard lurex corseterie noir, à décolleté over-zippé, des négligés courts rebrodés en rayon de paillettes et fourrure de quelques 10 000 épingles acier… sont de toute beauté. Il fait de l’allégorie poétique avec son aiguille, la seule réalité accessible et déchiffrable de son être.
Timide comme moi, le jour où je l’ai rencontré à Dinan, impressionné à outrance, je n’ai pu que lui dire un mot : « oui, c’est moi ». Le couturier fuit le monde pour ne pas voir les barbares qui inventent l’industrialisation de la barbarie. Il préfère lancer un sortilège pour nous faire oublier celui-ci un instant, et son sortilège a troublé l’ordre de nos désirs et nous redonne la direction matrice celle de la quête du vrai. Et, pour la fin cette fashion week, lui, qui en fait la clôture, la mélancolie voilée trouve un sanctuaire souverain et mon âme qui goûtera le triste pouvoir de la Déesse et de son sortilège qui deviendra l’un de mes trophées pour cette fashion week de Paris, car une belle collection déclenche chez moi toujours une très belle émotion.
Anonymode