C’est la chronique ordinaire de certaines écoles de mode, qui sont aujourd’hui des boîtes à apprentissage, motivées plus par faire des bénéfices que de donner une vraie instruction à des étudiants qui veulent travailler pour ce métier ; une sorte de « dépôt de Bihan ». C’est la chronique ordinaire de la vie de tous les jours, avec des classes surchargées, et des professeurs sous-payés, pour des inscriptions toujours plus onéreuses. Les responsables de départements, dont je faisais partie, doivent jongler avec les impératifs budgétaires pour trouver les meilleurs professeurs à petit prix. Connaissez-vous un discounter de prof. ?
Il faut puiser dans des réseaux personnels, faisant jouer nos amitiés, au risque de mettre en péril celles-ci, et parfois, compléter le salaire de certains avec ses propres deniers. C’est la chronique ordinaire d’une direction qui reproche au corps professoral de ne pas chercher de nouveaux étudiants appelés clients. Ah ! pardon je n’avais pas saisi. Donc, en plus de la pédagogie, de l’enseignement et du suivi des professeurs, je dois également assumer le recrutement de nouveaux étudiants ?
C’est la chronique ordinaire de dirigeants sans tolérance, sans réelle connaissance de ce métier, qui adaptent leur langage marketing à la productivité de l’entreprise, avec un seul but : faire rentrer toujours plus de nouveaux élèves, en usant et abusant du mot « luxe » car c’est le mot qui fait vendre, par rebond, en s’associant aux grandes marques du même nom, ne comprenant pas qu’elles sont, elles aussi, en déliquescence de savoir au sein même de leur entreprise. La preuve est que Monsieur Arnault crée sa propre école pour être sûr d’avoir des candidats qui ne sortent pas de « nowhere ».
C’est la chronique ordinaire de 36 000 Masters ou MBA en France, pour des « Créa Paul » inconnus du grand public et qui pour la plupart n’ont pas de talent, mais la recherche de la profession des parents fait loi et le portefeuille de ceux-ci est déterminant sur la sélection des élèves.
Et quand je mets en marche ma sortie de ce système infernal, j’apprends que les écoles de la Chambre Syndicale vont être dissoutes au sein de l’IFM formant ainsi un groupe de plus de 500 étudiants. C’était, avec Esmod, la dernière école reconnue pour sa technicité qui va disparaître, et cela par des dirigeants d’une profession, têtes pensantes qui sabrent à coup de fossiles les heures d’enseignement toujours plus courtes pour transformer les élèves en singes savants. C’est la chronique ordinaire d’une profession qui fuit à vau-l’eau les intelligences pour les remplacer par de bons exécutants, un mal pour un bien peut-être, mais cela sera sans moi. Je préfère être en dehors de ce système où l’on compense en stupidité ce qui leur manque en intelligence.
TT