Depuis longtemps, je rêvais d’avoir dans mon appartement une oeuvre du Maître Serge Mansau. Ce grand sculpteur, c’est un peu comme Picasso, on ne peut pas obtenir de lui une œuvre facilement. Car, même si l’artiste est très prolifique, il ne se découvre pas d’un fil, comme ces hommes tiges qui marchent l’échine courbée, ils ont le nez baissé, non pas pour vous fuir, mais pour tracer leur route. L’homme est sans concession, et si vous ne lui plaisez pas, inutile d’essayer de venir découvrir les œuvres qui regorgent dans sa grande maison de la région parisienne.
Bref, j’étais à Paris chez un fabricant de meubles du nord de l’Europe, « Idées A construire », promenade du dimanche bucolique pour dépenser quelques sous durement gagnés et continuer ma fièvre acheteuse. Quelle n’a pas été ma surprise quand je suis tombé sur la lampe « Ribbon », que j’avais vu en sculpture chez mon Maître préféré. Mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai dégainé ma carte bleue comme une arme de construction massive, et je l’ai achetée immédiatement. Elle trône aujourd’hui dans mon salon autour des œuvres et des flacons de parfums que j’ai déjà du Maître.
Sur la photo, vous pouvez voir ce luminaire ainsi que sa sculpture originale. Et quand le couple, le plus fusionnel de la planète, est venu dîner à la maison, j’étais très fier d’allumer ma lampe sculpture, sachant immédiatement que le créateur la reconnaîtrait. Quel n’a pas été mon étonnement, quand il m’a dit d’un ton tranchant : « oui, c’est la copie qu’un industriel n’a pas pu s’empêcher de m’emprunter ». J’ai trouvé cette formulation pleine de finesse et d’esprit et d’une grande mansuétude.
Les monstres sont partout. Ils étaient venus voir le créateur pour un projet qui n’a jamais abouti, et en avaient profité discrètement pour prendre quelques photos qu’ils ont exploitées à leur profit ensuite. J’avais eu un doute quand j’ai lu le nom de l’oeuvre, et je m’étais dit que si Serge avait choisi de nommer ce chef d’oeuvre , il l’aurait appelé « la Dulcinée du Toboso » ou » la lampe d’Hélios « . Mais, Ribbon ! Ils n’ont même pas été capables de trouver un nom créatif ! Le sculpteur leur avait fait un procès qui s’était terminé par une condamnation de l’artiste pour procédure abusive, un comble !
C’est malheureusement le monde d’aujourd’hui où la création n’est pas respectée. La porte est ouverte aux voyous qui ne respectent plus rien. La prochaine fois que le maître reviendra, je lui demanderai de la signer. Ainsi celle-ci deviendra d’un coup, d’un seul, une pièce unique. Il est probable qu’il me dira avec beaucoup de bienveillance : « Mon ami, j’étais venu dîner et, non pas pour acheter ton appartement », et là, nous nous mettrons à rire comme deux enfants. Oui, c’est comme cela la fréquentation d’un grand artiste : une illumination de vos méninges endormies, s’illuminant à foison devant son intelligence. Serge est mort depuis et je pense à lui, chaque jour, mais je sais qu’il nous regarde et crée avec le grand créateur, cheveux blanc comme lui, pour former la poussière des nébuleuses en créant la puissante énergie lumineuse des étoiles.
Anonymode.